Céder aux plateformes de livraison
Géraldine Malet

Géraldine puts her passion for the web, marketing and communication, writing and storytelling at the service of companies and entrepreneurs.

« Chéri, on mange quoi ce soir ?… Attends, je regarde sur Deliveroo » .

Il fut un temps où lorsqu’on se demandait ce qu’on allait manger, on pensait d’abord à une enseigne « Et si on commandait chez Pizza Max ? » mais ça c’était avant… Avant l’arrivée des géants de la livraison qui ont modifié nos habitudes de consommation et se sont imposés dans nos vies pressées et connectées.

Dans les villes où ces plateformes se sont implantées, on assiste à certaines heures de la journée à un véritable ballet de livreurs. A Paris, Nantes, Nice, Lyon ou Marseille, ils déboulent à tous les coins de rue avec pour seuls outils de travail un deux roues, un sac isotherme, un mobile et un uniforme. Et même si dans leurs courses folles, il leur arrive encore de croiser des livreurs salariés d’enseignes indépendantes ou franchisées, ces derniers semblent aujourd’hui être en voie de disparition. Entre le statut de salarié et celui de travailleur indépendant, beaucoup ont fait leur choix. C’est d’ailleurs là l’une des grandes forces de ces startups de la livraison, comme le souligne Nimrod Krief, gérant de l’enseigne Mambo Pizza à Nice.

Quand je vois que je n’arrive pas à garder mes livreurs alors qu’ils ont plutôt une bonne paye et leurs congés payés, et que tous maintenant veulent aller sur ces plateformes, je me dis qu’ils sont vraiment forts… Leur force est d’avoir su donner aux livreurs l’impression qu’ils sont autonomes et qu’ils travaillent pour eux-mêmes.

Un restaurateur Londonien nous confiait aussi à quel point il devenait difficile pour lui de recruter des livreurs, de les fidéliser et de les motiver. Ces start-up de la livraison n’ont donc pas seulement modifié nos habitudes de consommation, elles ont aussi chamboulé nos méthodes de travail et bousculé le marché de l’emploi. Aujourd’hui, certains restaurateurs se retrouvent confrontés à des pénuries de livreurs et à un choix difficile : céder et s’adapter, ou résister quitte à crever ! Les mots sont forts, mais ils révèlent l’intensité du changement auquel les restaurateurs font face et nous amènent à la réflexion suivante : devez-vous oui ou non céder à ces plateformes ?

Pour beaucoup de raisons, on est tenté de répondre « Oui » car la promesse est belle. Fidéliser vos clients, conquérir une nouvelle cible, augmenter votre chiffre d’affaire ou diversifier vos sources de revenus sont autant de bénéfices qui peuvent vous motiver à franchir le pas. Et pour d’autres raisons encore, on a envie de répondre « Non » car en jouant le jeu des plateformes, vous vous exposez aussi à un certain nombre de risques : perte de marge, d’indépendance ou de maîtrise de votre image de marque notamment.

S’attaquer au marché des livraisons à domicile : retours d’expérience

Qu’est-ce qui motive les restaurateurs déjà présents sur ces plateformes à jouer le jeu ? Sont-ils satisfaits ? Les résultats sont-ils à la hauteur de leurs attentes ? De quelle façon ces partenariats ont-ils modifié leurs façons de faire ? Ces questions, nous les avons posées à des restaurateurs français et anglais. Sans langue de bois, ils ont accepté de nous livrer leurs retours d’expériences, de partager leurs succès et de nous faire part de leurs inquiétudes pour l’avenir.

L’indépendance des restaurateurs en péril

Qu’est-ce que la livraison change au business model de la restauration ? Que vaut un fonds de commerce quand on fait 50% de son chiffre d’affaire à l’extérieur ? Est-ce que demain, on ne va pas être totalement dépendant de ces plateformes, comme c’est le cas aujourd’hui de l’hôtellerie avec Booking par exemple ?

Pour Camille Candela, jeune entrepreneur engagé et fondateur de l’enseigne Burger & Wells, les livraisons soulèvent toutes ces questions. Et même si elles méritent toutes d’être posées, une en particulier retient notre attention : ces plateformes ne mettent-elles pas en péril votre indépendance ? Comme l’écrivait Anne Genevay dans un article paru sur notre magazine en 2015, l’indépendance des restaurateurs consiste [notamment] à être l’unique propriétaire de son fichier clients. Or, confier 100% des livraisons à une plateforme revient aujourd’hui à lui confier 100% de votre fichier clients. Depuis quelques mois, Nimrod Krief travaille avec Deliveroo et Uber Eats en complément de ses propres livraisons. De ces clients, il avoue ne rien connaitre.

En dehors du chiffre d’affaire et du nombre de commandes par jour, on n’a accès à une aucune données clients ou à aucune autre statistique.

Lors de notre interview avec Deliveroo en octobre dernier, son porte-parole avait évoqué un outil marketing, Restaurant Home, qui donne accès aux restaurateurs à un certain nombre de données, comme les temps de préparation ou les temps d’acceptation des commandes. Mais sur la question des données clients et de l’indépendance des restaurateurs, la réponse restait évasive. Elle est pourtant cruciale… Un restaurant qui réalise plus de 50% de son chiffre à l’extérieur et sous-traite 100% de ses livraisons ne met-il pas son activité en péril ? Que vaut alors son fonds de commerce s’il ne connait pas ses clients ? Et si demain, l’une de ces plateformes faisait faillite, qu’adviendrait-il de tous ces clients ?

Tous les restaurateurs n’expriment cependant pas la même inquiétude à ce sujet. Jake O’Neill, à la tête de deux enseignes de Sushis à Londres, travaille avec Uber Eats et Deliveroo pour la première et avec Just Eat pour la deuxième. Voici ce qu’il exprimait au sujet des données clients.

Ne pas disposer des données clients Deliveroo ne m’inquiète pas vraiment et si je le pouvais, je passerais par les plateformes pour l’ensemble de mes commandes livrées. Même si certains restaurateurs peuvent avoir le sentiment de perdre leurs clients, à la fin, ils continuent de manger nos produits. Dans un sens, ils sont toujours mes clients, la seule différence c’est que je ne peux pas leur faire de campagnes marketing ciblées.

Une vision plutôt optimiste, qui ne l’empêche pas pour autant d’avoir mis en place certaines actions pour  « récupérer » les clients Just Eat.

Nous disposons d’assez peu d’informations sur nos clients Just Eat, seulement leurs adresses, leurs noms et téléphones. Alors pour récupérer ces clients et les inciter à passer commande directement depuis notre site, nous insérons dans les sacs à livrer des offres (réductions ou gratuités) valables uniquement pour les commandes passées en direct.

Une démarche intéressante, mais qui n’a pas les résultats escomptés, car comme il le dit lui-même, « Les clients aujourd’hui restent avant tout fidèles aux plateformes, plus qu’aux restaurants » .

passer commande chez deliveroo

La fidélité clients

De plus en plus, on choisit d’abord sa plateforme de livraison avant de choisir son enseigne… Un constat que fait aussi Nimrod Krief à Nice.

Les gens préfèrent n’avoir qu’un seul compte, chez Uber Eats ou chez Deliveroo, plutôt que des comptes un peu partout dans différentes enseignes. Pour eux c’est plus simple. Ils se connectent sur l’appli et choisissent ce qu’ils ont envie de manger.

C’est d’ailleurs la raison principale qui l’a motivé à « céder », car comme il le dit avec une certaine amertume, « Je n’ai pas eu le choix. Les clients y sont, donc soit tu acceptes de les perdre petit à petit, soit tu agis. »

La qualité de service

Depuis 10 ans, Nimrod Krief met à la disposition des Niçois un site de commande et un service de livraison aux couleurs et à l’image de son enseigne, qui réalise 30% de son CA en ligne. Mais sentant le vent tourner, il décide il y a quelques mois de rejoindre Deliveroo et Uber Eats en complément de ses propres livraisons. Un choix subi plus que choisi « J’y suis allé à reculons » , et même si il n’a à ce jour par eu de retours clients négatifs, il exprime une certaine inquiétude sur la qualité du service rendu.

Ils ne fournissent pas le même niveau de service que nous. Moi j’utilise des sacs chauffants, eux, de simples sacs isothermes. Je perds clairement en qualité de service.

mauvais service clients deliveroo

Quelques commentaires clients dénichés sur la page Facebook Deliveroo.

Une inquiétude partagée par Jonnie Tate & Sam Briggs, fondateurs et gérants de Yard Sale Pizza à Londres. Eux ont fait le choix de se passer de ces plateformes et ils s’expliquent :

Offrir notre propre service de livraison est un élément clé de notre stratégie de marque. On souhaite pouvoir garder la maîtrise sur notre qualité de service et on sait bien que l’on ne sera jamais aussi bien servi que par nous-mêmes. Gérer nos livraisons nous permet de choisir nos propres livreurs, de veiller à ce que nos produits arrivent à bonne température, de contrôler la vitesse des livraisons, d’interagir avec le client final… Nous souhaitons pouvoir offrir la même qualité de service au sein de nos établissements qu’en dehors.

C’est pour ces mêmes raisons qu’en février dernier, le CEO de l’enseigne américaine aux 2800 points de vente, Jimmy John’s, a déclaré refuser tout partenariat avec les plateformes. Pour expliquer son choix, la marque n’a pas hésité à diffuser cette vidéo de 34 secondes réalisée à partir de retours clients mécontents.


Cette annonce et cette vidéo ont fait beaucoup de bruit et ont été relayées par de nombreux fans et followers, médias et leaders d’opinion. Pour signer son message, l’enseigne aux sandwichs gourmets a créé un hashtag dédié, simple mais puissant #BecauseSandwich. Une manière pour elle de signifier que la seule raison qui justifie sa décision est qu’elle souhaite préserver la qualité de son produit et d’exprimer ainsi ses doutes sur la capacité de ces intermédiaires à satisfaire ses exigences.

Jimmy John's because sandwich

Préserver votre image de marque

Comme le soulignent Jonnie Tate & Sam Briggs de Yard Sale Pizza, les clients de la plateforme appartiennent à la plateforme, mais lorsqu’ils reçoivent une commande en retard, froide, mal présentée ou des mains d’un livreur malpoli ou mal luné, c’est vers le restaurant qu’ils se retournent pour se plaindre.

On connait pas mal de restaurateurs qui utilisent Deliveroo ou Uber Eats et qui se sentent frustrés et impuissants par ces appels de clients mécontents. Au final, c’est sur le restaurant que ça retombe, c’est lui qui récolte les mauvais avis et c’est sa réputation qui en pâtit.

Même si les livreurs et les véhicules sont brandés à l’image de la plateforme, c’est bien de votre cuisine dont il s’agit, de votre image et de votre réputation. C’est pourquoi pour ces deux entrepreneurs, il était essentiel de pouvoir disposer d’une flotte à leur image.

Aux heures de pointe, sur certains établissements, nous pouvons avoir jusqu’à 10 véhicules qui circulent dans les rues de Londres. C’est une belle pub dont on ne pourrait pas profiter si on passait par Deliveroo ou Uber Eats.

plateformes de livraison pour restaurants

Certains soirs, jusqu’à 10 véhicules brandés aux couleurs de l’enseigne peuvent circuler dans les rues de Londres. Un élément clé de la stratégique de marque selon ses fondateurs.

Une vision partagée par Lucas Le Gouail, fondateur et gérant de l’enseigne Periko. Au cours de notre interview, il nous confiait que pour lui qui réalise 100% de ses ventes en ligne, sous-traiter ses livraisons n’était pas une option. « N’ayant pas de point de vente physique, l’image que nous véhiculons via nos livreurs est très importante. Aujourd’hui, nous livrons nos clients habillés d’un béret et à bord d’un Kangoo floqué à nos couleurs.« . Il dit néanmoins comprendre que certains restaurateurs puissent faire appel à ces plateformes, en particulier ceux qui disposent d’un point de vente physique et pour qui la livraison n’est qu’un appoint.

Répondre à un nouveau besoin

les français mordus de livraison

Les français sont accrocs aux livraisons et pour les satisfaire, les restaurateurs ont plusieurs choix, notamment celui de créer leur propre flotte. Mais comme l’évoquait Camille Candela, c’est un nouveau métier et pour se lancer, il faut avoir l’envie et les moyens tout autant que l’ambition. On ne gère pas un service de livraisons comme on gère un restaurant et ceux qui ont fait ce choix, comme Nimrod Krief ou Jonnie Tate, le savent bien. C’est d’ailleurs là l’une des grandes forces de ces plateformes, comme nous le rappelle Jake O’Neill, gérant de deux établissements de sushis à Londres.

S’attaquer au marché des livraisons peut être très complexe et une vraie prise de tête pour un restaurateur indépendant. Ça implique beaucoup de coûts et d’investissements et ça nécessite de recruter et de gérer des livreurs, des assurances, des flottes de véhicules… Les plateformes comme Deliveroo ont participé à ouvrir le marché, qui était jusque-là limité. Ils l’ont rendu accessible à tous.

Une concurrence accrue

concurrence restauration

Photo by Maico Amorim on Unsplash

Oui mais voilà, en rendant ce marché accessible à tous, les plateformes ont aussi intensifié la concurrence. En ligne, les établissements partenaires se retrouvent face à leurs concurrents directs et n’ont d’autres choix, pour se différencier, que de s’en « remettre » aux algorithmes des plateformes et au bon vouloir des clients. Cette concurrence, difficile à vivre pour certains, est une aubaine pour les plateformes qui proposent du coup des options payantes pour aider les restaurants partenaires à gagner en visibilité.

Les dark kitchens, une nouvelle forme de concurrence

A cette concurrence s’en ajoute une autre, celle des « dark kitchens » ou cuisines partagées, un concept entièrement dédié aux livraisons et baptisé Editions que Deliveroo a lancé en France et en Angleterre. Il permet aux restaurateurs de servir de nouvelles zones géographiques sans avoir à supporter les investissements qu’impliquent la création et l’ouverture d’établissements propres ayant pignon sur rue. En plus des frais d’aménagement, Deliveroo prend à sa charge le ménage et la gestion du site, les commandes et la flotte de livreurs. Les restaurants, eux, doivent y placer un chef ou un cuisinier dédié et apporter du « petit » matériel de cuisine ainsi que leurs recettes et ingrédients. Profiter de ces cuisines partagées ne coûte aux restaurants ni charges fixes ni loyer, mais une commission sur le prix de chaque commande dont nous ne connaissons pas le taux précis, mais qui est, nous dit Deliveroo, « un peu plus élevé que les 30% généralement prélevés » . Il faut bien l’avouer, le concept est ingénieux et bien pensé, et si pour certains il est une réelle opportunité, pour d’autres, il est une nouvelle épine dans le pied. Les restaurants qui profitent du concept Editions peuvent cibler une nouvelle clientèle et ceux qui ont un établissement dans la zone d’implantation de ces cuisines partagées voient débarquer de nouveaux concurrents.

cuisines partagées deliveroo

L’une des dark kitchens ouverte par Deliveroo en 2018.

Conquérir de nouveaux clients, oui, mais à quel prix ?

Le business model de ces plateformes repose en partie sur leur capacité à mettre en relation les restaurants avec les clients. Pour satisfaire les utilisateurs, elles doivent donc offrir un maximum de choix d’enseignes, et pour satisfaire les restaurateurs, elles doivent fournir une base de clients la plus large et la plus qualifiée possible. Entre les deux géants du secteur, c’est donc la course à celui qui aura le plus de restaurants partenaires et le plus d’utilisateurs fidèles. Camille Candela nous confiait d’ailleurs avoir reçu une proposition « indécente » de la part d’Uber Eats, qui était prêt à l’acheter pour pouvoir ajouter l’enseigne bio et eco-responsable à sa liste de partenaires. Mais il a  refusé l’offre et choisi « le camp » adverse. Après la fermeture de Foodora en Septembre 2018, il rejoint donc Deliveroo avec qui il négocie un taux de 25%.

Payer 30% de commission sur chaque commande est-il rentable ? Ça dépend. Après analyse, Camille Candela s’aperçoit que les livraisons jouent sur sa rentabilité et qu’elles lui permettent de dégager le salaire d’une quatrième personne sur le service du soir. Pour Nimrod Krief, qui paye 30% de commission à Deliveroo, le son de cloche est différent.

On n’a plus de marge ! La commission qu’il prélève s’applique sur le prix TTC, alors en plus de leur donner 30% de commission je perds la TVA. Si on ajoute à ça un food cost de 30%, à la fin, il me reste… pas grand-chose ! Honnêtement, ce n’est pas vraiment rentable, en tous cas pas pour nous. On le fait vraiment par dépit, comme d’autres restaurateurs que je connais et qui ont comme moi plusieurs établissements.

Créer sa propre flotte de livreurs

créer flotte de livreurs

Si chez Uber Eats comme chez Deliveroo le taux de commission moyen affiché est de 30%, ce n’est pas pour rien. C’est en effet ce que coûte la création et la gestion d’une flotte de livreurs, comme nous l’explique Jake O’Neill.

Si vous acceptez d’avoir un deal en exclusivité avec Deliveroo ou Uber Eats, vous pouvez obtenir un taux de commission de 25% au lieu des 30% habituels. Et à ce niveau-là, ça devient économiquement plus intéressant pour nous de passer par eux plutôt que d’avoir notre propre flotte de livreurs. 30%, c’est à peu près ce que me coûte la gestion en interne.

Nimrod Krief a lui aussi fait ses calculs, et il sait que pour que l’opération soit rentable, il devrait abandonner totalement son service de livraisons.

Si je n’avais pas de livreurs à gérer, de scooters à entretenir, de contrats de travail à gérer, de congés payés à verser… je pense que même avec un taux de 30%, ça serait économiquement intéressant pour nous. La difficulté pour nous c’est que nous avons deux systèmes à gérer. Non seulement je donne 30% à Deliveroo, mais en plus, je suis obligé de garder tous mes livreurs pour assurer les livraisons Uber Eats et celles qui transitent par notre site. Mais aujourd’hui, je ne dégage pas suffisamment de rentabilité avec eux pour pouvoir me passer d’un ou deux livreurs.

Alors, faut-il céder aux plateformes de livraison ?

travailler avec uber eats ou deliveroo

Photo by Will H McMahan on Unsplash

Chacun de ces retours d’expérience nous apporte un éclairage nouveau et différent sur cette question. Une analyse plutôt brève et raccourcie nous amènerait à dire que…

  • Si comme Periko, votre concept repose à 100% sur les livraisons et que vous êtes soucieux de votre image de marque, vous devriez sans doute investir dans la création d’outils aux couleurs de votre enseigne et à la hauteur de vos exigences en matière de qualité et de rapidité de service.
  • Si comme Burger & Wells, les livraisons ne sont pour vous qu’un appoint, rejoindre l’une ou l’autre de ces places de marché fait probablement du sens. Vous pourrez ainsi profiter de leurs efforts marketing et de leurs bases de données, bénéficier d’une certaine visibilité et pénétrer un nouveau marché sans avoir à créer et gérer votre flotte de livreurs.
  • Si comme Mambo Pizza ou Flying Fish Sushi, les livraisons sont un axe stratégique important pour vous et que vous êtes implanté dans une zone où ces plateformes « font la loi », vous devriez sans doute envisager d’investir ces plateformes, en complément de vos propres outils et solutions et en mettant en place des actions visant à  récupérer les clients en direct.
  • Enfin, si comme Yard Sale Pizza ou Jimmy John’s, vous souhaitez conserver la pleine maîtrise de votre image, de votre réputation et de votre fichier clients, et que vous êtes prêts à investir des moyens marketing, humains et logistiques, ne pas céder à ces plateformes apparaît comme une décision sensée.

Comment tirer le meilleur parti des plateformes de livraison

Que vous alliez sur Deliveroo ou Uber Eats par choix ou par dépit, à reculons ou en faisant le grand plongeon, avec curiosité ou amertume… vous trouverez ci-dessous quelques conseils inspirés des restaurateurs que nous avons rencontrés et interviewés et qui vous aideront à tirer le meilleur parti de vos partenariats tout en préservant votre indépendance.

Diversifier vos sources de revenus

Préserver votre indépendance passe notamment par une diversification de vos revenus. Plutôt que de vous en remettre à une seule plateforme, travaillez avec plusieurs partenaires implantés localement. Ne succombez pas à la tentation d’économiser 5 points sur votre taux de commission en signant un deal exclusif… Qu’adviendrait-il demain de votre business si votre partenaire devait subitement mettre la clé sous la porte, comme Foodora en septembre dernier ? Et comment récupéreriez-vous tous ces clients que vous ne connaissez pas ?

Trouver les partenaires les plus en phase avec votre enseigne et votre concept

Prenez le temps de faire votre étude de marché et de mener votre enquête. Deliveroo et Uber Eats sont-ils bien les seuls acteurs présents et actifs sur votre zone d’implantation ? Quelle image vos clients ont-ils de ces différents acteurs ? Quels sont ceux qu’ils préfèrent et pourquoi ? Les établissements partenaires déjà présents sur chacune des plateformes sont-ils cohérents avec votre positionnement ? Quels services clients et suivi proposent-ils ?

Investir dans vos propres solutions

site de commande en ligne propre

Si les livraisons sont pour vous un axe stratégique important, c’est le meilleur moyen de préserver votre indépendance. Même si vous tenez à être présent sur les plateformes de livraison (parce que vous n’avez pas le choix, parce que vos clients y sont, parce que vous en avez besoin…) vous devriez songer à développer votre propre site de commande en ligne et votre propre service de livraisons. Oui, cela implique des investissements et une bonne gestion quotidienne, mais ces outils vous permettront d’enrichir votre base de données, de garder le lien avec vos clients, de maîtriser votre image, de développer des opérations marketing ciblées et de sécuriser votre fonds de commerce, dont le patrimoine principal reste le fichier clients.

Sensibiliser et Éduquer vos clients

Les consommateurs sont aujourd’hui plus fidèles aux plateformes qu’aux enseignes car elles leur offrent le choix, la simplicité et la praticité qu’ils recherchent, c’est vrai, mais ceux qui commandent vos plats en passant par ces intermédiaires sont peut-être des clients attachés à votre cuisine, à votre établissement ou même à vous et à votre équipe ? Si c’est le cas, vous avez alors tout à gagner à jouer la carte de la transparence. Pourquoi ne pas les sensibiliser sur ce que vous coûtent réellement ces partenariats et à quel point ils impactent vos marges ? Pourquoi ne pas leur dire que vous ne recevrez l’argent de leurs commandes que dans 30 ou 40 jours et leur rappeler que lorsqu’ils commandent chez Uber Eats, ils payent 2€ de plus que s’ils commandaient directement chez vous ? Grâce au digital, vous pouvez aujourd’hui vous adresser directement à vos clients et prospects et une telle marque d’honnêteté pourraient bien en toucher plus d’un. Mais le digital n’est pas le seul outil à votre disposition. Vous pouvez par exemple contacter les médias locaux pour vous exprimer sur ce sujet, distribuer un prospectus dans votre établissement ou encore joindre un message à chacune de vos livraisons.

Renforcer votre image de marque et la fidélité clients

Si vous avez fait le choix de rejoindre Deliveroo, Just Eat ou Uber Eats mais que vous disposez aussi de votre propre site de commande en ligne et de votre propre flotte de livreurs, pourquoi ne pas le rappeler aux clients ? Comme Jake O’Neill, vous pouvez par exemple insérer dans chaque sac à livrer des offres valables uniquement sur des commandes passées en direct (gratuités, remises, points de fidélité…). Si vous proposez une offre à consommer sur place, que vous avez une belle déco intérieure, une atmosphère sympa et un concept unique, vous pouvez aussi les inviter à venir vivre l’expérience « pour de vrai » (via une offre ou un événement spécial) l’occasion de les rencontrer, de créer du lien, de les sensibiliser à votre univers, de leur parler de votre présence en ligne et de votre programme fidélité, et de les encourager à passer en direct lors d’une prochaine commande.

Limiter votre offre livrée

Certains plats voyagent mieux que d’autres. Aussi, dans les choix que vous mettez à la disposition des clients sur les plateformes, essayez de vous limiter aux plats qui sont les plus adaptés au mode livraison et à ceux qui, même réchauffés, conserveront leur goût, leur texture et leurs saveurs. C’est le meilleur moyen d’éviter les mauvais retours clients, de donner une bonne image de votre établissement et de leur donner envie  d’y revenir. Vous pouvez aussi ne sélectionner que quelques plats phares pour les plateformes, et garder vos plats les plus emblématiques ou les plus demandés pour votre site de commande en ligne.

Chiffrer et comparer toutes les options

Gérer vos propres commandes et livraisons, sous-traiter ou faire un mix des deux… Que vous coûterait chacune de ces options ? Sans négo, un deal avec Deliveroo ou Uber Eats vous coûtera environ 30% de commission sur le montant TTC de chaque commande. Si vous décidez de ne sous-traiter que les commandes en ligne auprès d’Uber Eats ou Just Eat (par exemple), cela vous coûtera de 13% à 15% de taux de commission, auquel viendront s’ajouter vos coûts pour la gestion des livraisons. La question qui reste en suspens est donc celle-ci : combien vous coûterait le développement d’outils propres et la gestion de vos commandes et livraisons ? Plusieurs restaurateurs ont évoqué un coût de 30% pour la création d’une flotte de livreurs dédiée, un coût comparable au taux de commissionnement moyen des plateformes. Si c’est le cas, alors est-bien intéressant pour vous de sous-traiter ? Qu’y gagnez-vous ? Qu’y perdez-vous ? A quel niveau de négociation avec les plateformes cela deviendrait-il économiquement plus intéressant pour vous de sous-traiter ? A combien estimez-vous le fait de pouvoir profiter des bases de données de ces plateformes ? Et à combien estimez-vous le fait de perdre la main sur vos clients ? Des données difficilement chiffrables, mais qui devront malgré tout peser dans la balance au moment de faire votre choix.

Des solutions alternatives

Ces start-up de la livraison ne sont pas les seules à s’être attaquées au marché, comme en témoigne cet autre restaurateur Londonien, à la tête de 3 enseignes de restauration rapide et qui a souhaité rester discret sur son identité. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il a diversifié ses sources de revenu puisqu’ il travaille avec Just Eat, Deliveroo et Uber Eats selon ses enseignes. Pour l’une d’entre elles, il passait jusqu’ici par Just Eat, à qui il payait 14% de commission, puis gérait les livraisons à l’aide de sa flotte dédiée. Depuis peu, il travaille avec une société, Food Taxi, dont il est très satisfait.

C’est très pratique. On reçoit les commandes sur notre site de commande en ligne, puis sur une tablette dédiée, on entre le code postal de la livraison et 10 minutes plus tard, un livreur débarque pour retirer la commande. Le service est rapide, ça fonctionne bien et nous en sommes contents, la seule chose, c’est que pour l’instant, ils ne couvrent qu’une zone géographique limitée. C’est aussi plus économique pour moi, car je ne paye que si j’ai des commandes et quand l’activité est creuse, je ne paye rien. Et puis, je n’ai pas besoin de gérer les livreurs, de les nourrir ou de les fidéliser… Pour 50 livraisons par semaine, je paye un forfait de 30£ environ et pour chaque palier de 5 livraisons additionnelles, ça me coûte 5£ de plus. Non seulement je contrôle mes coûts, mais en plus, je ne dois pas gérer de livreurs.

Existe-t-il des solutions alternatives dans votre ville ou votre région ? Qui sont-elles ? Comment se rémunèrent-elles ? Qui sont leurs restaurants partenaires ? En sont-ils contents ? Quelles sont leurs ambitions ? Qui est aux commandes ? Quelles sont leurs valeurs ? Nous vous invitons à soulever ces questions, à explorer votre marché et votre territoire local à la recherche de ces solutions alternatives qui pour certaines, se construisent en sous-marin, avec peu de moyens mais avec la même motivation : proposer aux restaurateurs des solutions économiquement plus fiables et éthiquement plus justes. Nous leur dédierons d’ailleurs très prochainement un article afin de leur offrir un peu de visibilité et de vous donner de nouvelles cartes en mains pour prendre les meilleures décisions qui s’imposent pour la bonne santé et la pérennité de votre enseigne.

A suivre donc…