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Vous avez-co crée Le Cappiello avec Justine Piluso. Quel est votre parcours à tous les deux ?
Justine s’est orientée vers la cuisine très tôt. Après son bac, elle est descendue sur Lyon pour suivre une licence en art culinaire à l’institut Paul Bocuse. De mon côté, c’est après un voyage de 18 mois en Australie et en Asie que j’ai su que je voulais me lancer dans la restauration, et plus précisément encore dans l’entrepreneuriat. J’ai moi aussi rejoint l’institut Paul Bocuse, côté Gestion et Service. Nous nous sommes rencontrés au restaurant école Institut Paul Bocuse à Shangai, où nous faisions tous les deux notre stage de deuxième année, et ne nous sommes plus jamais quittés. Voilà maintenant trois ans que nous nous sommes installés à Paris.
Comment se répartissent les rôles dans votre duo ?
Très naturellement/ Justine gère tout ce qui se rapporte à la cuisine : élaboration de la carte, gestion de la production, des envois pendant les services, du staff en cuisine et des stocks, relation fournisseurs, hygiène… Quant à moi, je m’occupe de tout le reste, notamment de tout ce qui se rapporte à la salle, à l’administratif et à la comptabilité. Chacun son rôle et sa spécialité : c’est l’un des grands points forts de notre duo, en plus du fait que nous avons un réel respect mutuel pour le travail de l’autre.
Comment décririez-vous le concept de votre restaurant ?
En créant Le Cappiello, nous n’avions pas d’ambition ou de prétention particulière. Depuis nos débuts, nous sommes restés fidèles au concept de départ : une carte courte qui change constamment avec pour fil conducteur une identité culinaire simple, fraîche, gourmande, légère et de saison, aux accents de Méditerranée et d’Italie ; et une cuisine faite maison, servie avec sourire et professionnalisme, et avec l’envie sincère de satisfaire les convives… Le tout dans un cadre que nous avons voulu sobre, lumineux, chaleureux, amical et bienveillant.
Sur votre site Internet, on peut lire : « Mais et alors, ces parapluies ? On vous racontera c’est promis ! » . Vous nous racontez ?
L’idée du nom « Le Cappiello » vient de la grande affiche à l’entrée du restaurant. Il s’agit d’une publicité pour les parapluies Revel, une société créée par mon arrière-arrière-grand-père, reprise par mon arrière-grand-père, puis mon grand-père… J’ai grandi avec les histoires de cette compagnie. L’affiche en question fut commandée en 1922 par mon arrière-grand-père Aimé Revel à un affichiste de l’époque, un certain Leonetto Cappiello, alors peu connu. Une belle histoire d’amitié est née entre les deux hommes, puis entre les familles Revel et Cappiello.
En plus du clin d’œil à mon Histoire familiale, nous trouvions cette affiche vraiment très belle, et voulions lui donner une place particulière au sein de notre restaurant. Mais au vu de sa taille imposante, il fallait que le nom du restaurant ait un lien avec elle. Le nom de « Cappiello » est sorti du lot en raison de sa sonorité italienne, qui allait bien avec la cuisine de Justine. Nous avons alors simplement francisé le nom en ajoutant « Le » devant « Cappiello ».
Sur les sites d’avis en ligne, on peut lire « Une pépite » , « Magnifique découverte » , « Service parfait » … : quel est votre « secret » ?
La majorité des restaurateurs indépendants ont fait une reconversion, mais ce n’est pas notre cas. Nous avons tous deux suivis une formation et connaissons les bases du métier. Notre jeunesse est aussi un avantage, en terme d’énergie à donner, d’absence d’autres responsabilités que celle de l’entreprise à lancer, de la profonde envie qui nous anime, et au fond peut-être aussi de la naïveté de pouvoir croire qu’on peut y arriver… Tout cela nous permet de tout donner, sans exception et sans relâche, et de nous consacrer entièrement à la réussite de notre projet.
Nous prêtons également attention à ne pas créer d’attentes démesurées chez nos clients, à même de produire de grandes déceptions. Nous restons justes et cohérents entre la promesse et l’expérience vécue au final. Comment rendre un client heureux ? En lui disant que ça va être bon et pas trop cher, et en lui servant quelque chose de délicieux et à un prix très doux, tout simplement…
Enfin, notre leitmotiv peut à lui seul expliquer notre « secret » : chaque client, chaque fournisseur, chaque collaborateur, chaque ingrédient qui rentre dans notre cuisine, chaque élément de garniture, chaque sauce, chaque prise de réservation ou prise de commande, chaque assiette apportée et déposée, chaque verre de vin ou d’eau servi, chaque sourire ou marque d’attention… est plus important pour nous que le précédent !
En novembre dernier, vous avez été classé N°1 sur près de 15 000 restaurants parisiens sur le site Tripadvisor : comment expliquez-vous ce phénomène ?
Trois mois après, on ne se l’explique toujours pas vraiment ! Tripadvisor cultive un grand secret autour du fonctionnement de son algorithme. Notre hypothèse est que l’enthousiasme des tous premiers clients, surpris de faire une belle découverte dans leur quartier, s’est propagé, encourageant d’autres clients et internautes à nous laisser des avis positifs… et la spirale positive était créée.
C’est encore je pense une question de promesses : nous avons surpassé les attentes de notre clientèle, ce qui l’a motivée à nous soutenir dès l’ouverture.
De quelle façon cela a-t-il bouleversé votre quotidien ?
Nous n’avons pas voulu changé notre concept, ce qui avait fait notre réussite et plu à notre clientèle, alors malgré les conseils de certains, nous avons conservé notre carte, nos produits et nos tarifs.
Par contre, nous avons dû nous organiser pour face à l’afflux soudain de clientèle : d’un taux de remplissage de 60%, nous sommes passés à 100% en 6 semaines. Nous avons donc dû embaucher du personnel, revoir les rythmes et l’organisation de la production, acheter du matériel, rallonger encore les journées de travail… Durant cette période, nous devions être au maximum de la production en quantité comme en qualité, alors nous avons aussi demandé des efforts supplémentaires à nos équipes, qui ont répondu présent, ce qui nous a permis de ne pas décevoir.
Cette place de numéro un sur Tripadvisor a eu une influence relativement néfaste sur l’attitude générale de notre clientèle. Au-delà de venir passer un bon moment en famille ou entre amis, celle-ci avait en effet tendance à se placer automatiquement dans une position de juge, qui n’était agréable ni pour eux ni pour nous. Notre métier consiste bien sûr à faire passer de bons moments à nos clients, à créer de bons souvenirs,… Mais on oublie trop souvent aussi que le client fait partie intégrante de cette promesse, et que dans ce jeu qui consiste à lui faire passer une belle expérience, il est acteur, presqu’au même titre en fait que ses hôtes ! Il doit nous accompagner dans ce moment, et non se placer à l’extérieur, sous peine de passer à côté du sens même de la prestation.
Dans une interview, vous avez dit vouloir cesser les réservations par Internet parce qu’elles « participent à une certaine déshumanisation » : dans quelle mesure ?
Dans cette interview, nous abordions un sujet qui nous tient à cœur et qui est intimement lié à l’un des grands fléaux de la restauration, le no-show. L’impact psychologique d’un client qui réserve au restaurant en deux clics après avoir fait défilé une liste de 200 établissements n’est pas du tout le même que l’impact psychologique d’un client qui appelle, et qui passe ne serait-ce qu’une minute de son temps à échanger avec un véritable humain. Par téléphone, on peut dire « bonjour », faire passer un sourire, remercier pour l’appel, ou répondre à des demandes particulières ou des interrogations… Un client qui a réservé par téléphone se sent plus investi et plus engagé envers le restaurateur, et en cas d’imprévu, il aura un réflexe plus naturel de prévenir qu’un client qui a réservé en ligne en deux clics, de façon informelle et déshumanisée.
A notre époque, on ne peut évidemment pas se passer d’un tel service en ligne. Il répond à la demande des clients, et nous enlève malgré tout une charge de travail non négligeable. C’est pourquoi nous avons décidé d’internaliser la gestion du système de réservation en ligne, une manière pour nous de le rendre plus « humain » que les systèmes proposés par les leaders du marché.
Le Cappiello a soufflé sa première bougie en janvier. Quel bilan faites-vous de l’année écoulée ?
Nous nous attendions à une première année forte en émotions, mais pas à ce point ! Nous sommes profondément ravis que notre cuisine ait remporté l’avis du public, que notre restaurant ait plu et continue de plaire. Mais tout cela est allé bien au-delà de nos attentes, à une vitesse et à un rythme qui ont été par moments très difficiles à gérer.
Le gros challenge cette année a été de surmonter l’engouement énorme et soudain d’une nouvelle vague de clientèle suite au fameux buzz Tripadvisor. Il a fallu tout remettre en question, et en même temps, surtout ne rien changer, s’organiser service après service tout en assurant la qualité promise à nos clients, dont les attentes atteignaient alors des sommets. Entre mi-octobre et la fin décembre, les esprits et les corps ont été mis à rude épreuve. A chaque assiette, on avait le sentiment de devoir répondre à la question « sont-ils à la hauteur de leur réputation ? » .
Nous avons survécu, de même que notre concept, notre clientèle du début et nos équipes…. Il s’agit maintenant de mieux s’organiser pour que le plaisir soit tant du côté des clients que du nôtre. Là, nous aurons atteint un rêve de restaurateur, à la fois simple et pourtant si compliqué !
Vous avez tout deux la vingtaine. Que pensez-vous de cette phrase du chef étoilé Bruno Verjus « Top Chef donne une fausse image de la cuisine et des cuisiniers. Non, on ne peut pas créer de grands plats et ouvrir son resto à 22 ans » ?
C’est vrai que Top Chef donne une fausse image de la cuisine et des cuisiniers, et que même si il y a des exceptions, il est rare de pouvoir être novateur et/ou créateur en gastronomie à tout juste 22 ans. On peut par contre ouvrir son propre restaurant sans forcément créer de grands plats ! Tout dépend de sa formation, de son parcours, de son engagement, des limites qu’on se fixe, des personnes dont on s’entoure, de sa méthodologie, mais aussi et surtout de l’ampleur du projet. Nous n’avons jamais eu la prétention de créer de « grands plats », ni même de faire la course aux étoiles. Nous faisons notre métier avec amour et passion, mais avant tout avec une grande humilité devant tout ce qu’il nous reste encore à apprendre, à découvrir et à faire !
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