Freddy's BBQ
Géraldine Malet

Géraldine puts her passion for the web, marketing and communication, writing and storytelling at the service of companies and entrepreneurs.

Quelle est l’Histoire de Freddy’s BBQ ?

Je suis né aux Etats-Unis, et j’ai vécu 10 ans au Texas. Le BBQ à l’américaine, qui consiste à fumer la viande entre 15 et 20 heures à très basse température, est donc dans mon ADN. Je suis rentré en France à l’âge de 10 ans, et au fil du temps, j’ai perdu un peu de cette culture. Et puis, il y a un peu plus de 3 ans, j’ai fait un voyage aux Etats-Unis qui a été pour moi un déclic. En renouant avec cette cuisine, ces saveurs et cette tradition, je me suis dit qu’il fallait absolument que les français y goûtent et découvrent cette culture à leur tour.  J’ai tout abandonné en Juin 2017 pour monter le concept Freddy’s BBQ, et j’ai ouvert l’établissement un an plus tard, mi-juin 2018.

Restaurant de bbq à paris

L’expression « parcours du combattant », régulièrement employée par les restaurateurs, s’applique-t-elle à votre expérience de l’ouverture d’un restaurant ?

Oui, on peut en effet parler d’un vrai parcours du combattant ! Les délais administratifs sont très longs et peuvent être décourageants. Monter le projet, le valider en AG, laisser passer les 2 mois de recours, déposer le dossier en mairie (il y en a pour 4 mois) puis à nouveau laisser passer 2 mois de recours… Si on respecte tous les délais, il faudrait deux ans pour ouvrir un restaurant en France ! Heureusement, la réalité est plus proche des 9 ou 12 mois, ce qui est déjà pas mal. J’ai quand même eu la chance d’avoir pu m’appuyer sur mon expérience professionnelle précédente. Avant de me lancer dans l’aventure, j’étais en effet en asset management et gérais 19 centres commerciaux, avec une équipe de 6 personnes. J’étais donc déjà familier avec la négociation de baux, la gestion des loyers, l’étude des concepts ou la manipulation des chiffres, et j’avais en plus pas mal de contacts que ce soit sur le plan archi ou travaux… tout cela m’a aidé à franchir le pas, mais ça reste un travail de très longue haleine !

Quel premier bilan faites-vous après ces quelques mois d’ouverture ?

Les chiffres sont au rendez-vous, de même que la satisfaction des clients. Sur Tripadvisor par exemple, nous avons 91% d’avis « excellent » ou « très bon » et nous nous classons dans le premier tiers des meilleurs restaurants de Paris. Mais on veut, et on va, faire plus et mieux encore ! Pour le démarrage, nous avons tenu à rester un peu confidentiels. L’idée était de se lancer, de se tester et de regarder la réaction des clients, pour pouvoir améliorer le concept rapidement. Aujourd’hui, après ces quelques mois d’activité, on est prêts à passer à la vitesse supérieure, que ce soit en termes de communication ou de nombre de couverts servis. Travailler davantage la clientèle du midi et la partie afterwork de fin d’après-midi sont parmi les leviers que nous avons identifiés pour pouvoir doubler notre chiffre d’affaires d’ici à 2019. On aimerait aussi travailler sur la partie livraison à domicile, et sommes actuellement en discussion avec Deliveroo et Uber Eats.

avis tripadvisor restaurant paris

Votre cuisine est-elle une cuisine qui « voyage » facilement et qui se prête à la livraison à domicile ?

Oui mais sous certaines conditions. On travaille actuellement sur des boites ainsi que sur un matériau d’emballage qui répondent à nos exigences en matière de qualité, de solidité et de maintien de la chaleur. Lorsque nous serons prêts, nous limiterons aussi probablement les livraisons à un rayon de 1,5 km maximum autour du restaurant, afin d’offrir aux clients un service rapide et une nourriture qui soit la plus « fraîche » possible. Bien sûr, les clients ont une forme d’indulgence lorsqu’ils commandent un plat à livrer : ils savent qu’il y a un temps d’attente et que ce ne sera pas forcément frais minute… Mais nous tenons vraiment à offrir une expérience incroyable. Nous sommes donc prêts à limiter les livraisons et à faire moins de chiffre si nous avons l’assurance de satisfaire les clients !

Qui sont vos clients ?

Notre concept nous permet de toucher une très large clientèle. Comme cela se fait aux Etats-Unis dans les restaurants traditionnels de BBQ, nous vendons la viande au comptoir et au poids. 100g de porc effiloché coûtent par exemple 5€. Certains clients mangent 150g et s’en sortent pour 11€, d’autres sont prêts à payer 50€ ou 60€ pour déguster 500g de viande avec une boisson, des accompagnements et un dessert. Il nous est même arrivé d’avoir des paniers à plus de 80€ ! Chacun fait comme il le souhaite, selon son budget, sa faim et son envie… ce qui nous permet de satisfaire toutes les catégories de clients et toutes les générations.

Le BBQ « à la française » est très éloigné du BBQ à l’américaine. Une communication pédagogique semble donc utile afin d’expliquer aux français ce qu’est le BBQ traditionnel américain et en quoi il diffère du nôtre. Est-ce un axe de communication important pour vous ? Comment entendez-vous le développer ?

Notre communication sur les réseaux sociaux a surtout vocation à susciter l’intérêt, la découverte et le questionnement, mais les vraies réponses, nous les apportons au restaurant. Comme je le disais, nous vendons la viande au comptoir : c’est le meilleur moment pour expliquer au client nos méthodes de cuisson et nos techniques de découpes ou pour leur parler de nos marinades, de nos viandes ou de nos assaisonnements… Cela permet de créer un dialogue, d’instaurer un climat de confiance et ça participe à enrichir l’expérience clients. Il y a tellement de choses à dire et à raconter ! Par exemple, pour fumer la viande, nous utilisons les mêmes bois que ceux utilisés traditionnellement aux Etats-Unis : le noyer d’Amérique, le chêne, le bois de cerisier ou celui de pommier, selon les saisons et le type de viande à fumer. Le noyer est par exemple idéal pour la viande de bœuf ou d’agneau, alors que le bois de pommier sera excellent sur la volaille et le porc. Nos clients ne repartent pas « que » l’estomac plein,  ils repartent aussi en ayant appris des choses et en ayant vécue une vraie expérience. D’ailleurs, certains nous ont déjà sollicités pour donner des cours, et nous avons été démarchés par Airbnb expérience. Ces sollicitations nous réconfortent dans l’idée que nous avons des choses à transmettre, des histoires à raconter, et des expériences à faire vivre et à partager.

Pour beaucoup de français, la nourriture américaine est une nourriture calorique, malsaine et synonyme de malbouffe. Pensez-vous devoir combattre ces préjugés ?

Je ne pense pas que cela soit nécessaire. La façon dont nous présentons et valorisons nos produits nous permet de les combattre de façon naturelle. Tous nos produits sont faits maisons. Nos viandes sont marinées, épicées et fumées sur place, les accompagnements, les desserts et la sauce BBQ sont faits maison à partir de produits frais… tout cela participe à entretenir le côté traditionnel et authentique propre à notre concept, et en opposition au côté malbouffe que vous évoquez.
Aussi, notre méthode de cuisson « low and slow », c’est-à-dire une cuisson longue à très basse température, participe à instaurer un climat de confiance avec nos clients. Il nous arrive parfois de ne plus avoir un type de viande en plein service : cela suscite des questions, mais les clients comprennent que dans notre restaurant, il ne suffit pas d’aller « chercher un steak au frigo » pour les servir ! Il y a un vrai travail en amont, et quel que soit le type de plat, on ne peut pas les refaire à la minute : un cheesecake, ça se prépare et ça repose, les poivrons sont fumés pendant 4 ou 5 heures, et les viandes nécessitent de 15 à 20 heures de cuisson. Le fait que notre personnel soit entièrement américain et le fait d’avoir privilégié des matériaux bruts comme le bois ou le cuivre participent aussi à nous positionner comme une enseigne traditionnelle et authentique, loin des stéréotypes des enseignes américaines typiquement associées à la malbouffe.

Est-ce qu’il y a des concepts ou des enseignes qui vous inspirent ?

Oui, je pense notamment à Franklin BBQ. C’est un tout petit restaurant au Texas, à peu près de la taille du notre. Ce que j’aime dans ce concept, c’est que malgré leur succès (le concept a été primé et certains américains traversent tout le pays pour s’y rendre, c’est dire !), ils ont su conserver l’aspect traditionnel et authentique qui fait que les clients font la queue dès 6 heures du matin ! Le restaurant ouvre à 11 heures et ferme quand il n’a plus de viande, ce qui est généralement le cas à 13h ou 13h30. Alors oui, il n’y a « que » 2 heures de service, mais il y a 24 heures de travail en amont, oui c’est un petit « bouiboui » et ça ne paye pas mine, mais la viande est travaillée et il y a des gens toute la nuit pour s’en occuper. J’aime celle image là, celle de rareté et de pénurie, celle de produits uniques avec une cuisson traditionnelle. Parvenir à un tel succès, ce serait mon rêve bien sûr. Faire de la bonne cuisine, ça prend du temps. C’est d’ailleurs le code et le créneau du BBQ traditionnel américain, « low and slow ».

meilleur restaurant de bbq franklin bbq

Source images : Zagat

Votre cuisine puise ses origines aux Etats-Unis. Qu’en est-il de vos produits : essayez-vous de privilégier des circuits courts ?

Pour tout ce qui est poulet et porc, nous travaillons en circuit court, mais sur le bœuf, cela nous est très difficile pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’on ne trouve pas en France certaines coupes de viande, comme le « brisket », un grand classique du BBQ traditionnel américain. L’autre raison tient à la nature même de l’élevage français. 95% de la viande de bœuf qui est écoulée en France provient de vaches laitières. Nous avons des races à viande en France, mais elles sont exportées très jeunes, et ne sont donc pas amenées à l’âge adulte jusqu’à l’abattage. Nous avons certaines belles races à viande, comme l’Aubrac, mais ce sont des élevages très modestes.
De plus, traditionnellement et culturellement, nos vaches sont nourries à l’herbe. Or, sur ce type de cuisson, nous avons besoin de viandes issues de bêtes nourries au grain, pour qu’elles puissent générer le gras intramusculaire qui va fondre à la cuisson. Si on met une viande nourrie à l’herbe dans le fumoir, au bout de 10 heures, elle sera dure comme du béton et immangeable ! Donc aujourd’hui, on arriverait peut-être à trouver un ou deux éleveurs à même de nous fournir des bonnes races à viande nourries au grain mais sur des quantités beaucoup trop faibles. A terme, j’aimerais travailler sur une filière d’approvisionnement 100% française, mais aujourd’hui, nous sommes obligés de nous approvisionner dans les 2 ou 3 continents qui exportent beaucoup de viande, et qui nourrissent les bêtes au grain : l’Australie, l’Amérique du Nord ou l’Amérique du Sud.

Fameux beef brisket de chez freddy's bbq

Le fameux « breef brisket » de chez Freddy’s BBQ

Envisagez-vous déjà une suite ?

Je suis persuadé qu’en ouvrant trop vite trop de points de vente, on perd en qualité, en expérience clients et en identité, et ça, c’est quelque chose de très fort chez nous. C’est pourquoi depuis le début, j’ai la volonté de me concentrer sur CE point de vente. Le jour où je serais certain de pouvoir proposer une qualité constante, un service irréprochable et une expérience clients incroyable, alors j’envisagerai d’en ouvrir un deuxième. Avoir remporté le grand prix des jeunes créateurs du commerce d’Unibail-Rodamco en septembre dernier (ce qui représente tout de même la coquette somme de 500 000€ pour ouvrir un deuxième point de vente) ne change pas mes idées et mes convictions. Depuis l’obtention de ce prix, nous avons reçu des demandes d’investisseurs et de bailleurs, mais je ne tiens pas à les étudier pour l’instant. Ma seule priorité aujourd’hui est ce point de vente et la satisfaction clients sur CE point de vente. Le jour où j’arriverais à avoir une qualité irréprochable et une satisfaction clients TOUS les jours, je serais content et j’envisagerais la suite… Pour l’heure, nous en sommes encore à la phase de découverte et d’adaptation, une phase obligatoire pour toute enseigne qui cherche à se développer avec un concept novateur.

 

Freddy’s BBQ : 163 rue Saint-Denis, Paris
Crédit photo principale : @Nidimages Works