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Laure Misse

Après un master en commerce international et un mastère spécialisé en Communications, Laure débute sa carrière en agence de communication à Paris.

L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de mieux s’alimenter et de lutter contre la malnutrition à l’échelle mondiale tout en ayant un faible impact sur l’environnement. Alors que servirez-vous demain dans votre restaurant ? Et si les micro-algues et les insectes venaient bientôt garnir nos assiettes…

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en 2030, la terre comptera plus de 9 milliards d’individus à nourrir, ainsi que d’animaux élevés pour l’alimentation, les loisirs ou la compagnie. Aujourd’hui, un nombre croissant de français se tourne vers une alimentation plus durable. Les premiers pas consistent souvent à consommer local, de saison et à réduire la part des protéines animales. Et pour cause, l’élevage intensif a un impact considérable sur l’environnement : pollution des sols et de l’eau, émissions de gaz à effet de serre, surpâturage entrainant la destruction de forêts. Alors comment pallier à nos besoins en protéines si la production de viande ne peut plus répondre aux besoins de la population mondiale ? Zoom sur les sources de protéines qui garniront nos assiettes demain… remplies de produits futuristes ou un peu exotiques pour nous, français.

Les protéines végétales

Pour faire face à la croissance des besoins en protéines, estimée à 40% en 2030, des plateformes de recherche se mettent en place pour valoriser les 28 millions de tonnes de protéines végétales en France. C’est notamment le cas de la plateforme IMPROVE : Institut Mutualisé pour les PROtéines VEgétales, lancée en 2013. Par ailleurs, en Février dernier, le Village by CA Nord de France lançait également un appel à candidatures européen à l’occasion du Salon de l’Agriculture.

Bien que les protéines végétales constituent une bonne alternative aux protéines d’origine animale, elles sont encore peu consommées dans les pays développés. Pourtant, les micro-algues sont particulièrement riches en protéines végétales, minéraux, oligo-éléments, acides aminés, acides gras essentiels et vitamines. Sur 1500 algues répertoriées, seules 36 sont comestibles. La plus populaire est la spiruline qui séduit principalement les végétariens et les sportifs. Consommée depuis des siècles chez les Aztèques et les Mayas, elle a connu un nouvel essor dans les années 50. Aujourd’hui, dans les pays occidentaux elle est principalement consommée sous forme de poudre ou de compléments alimentaires, mais on trouve de plus en plus de recettes avec la spiruline fraîche. Cependant, la texture (entre le fromage blanc et le beurre) et la couleur (vert foncée) de la spiruline peuvent dérouter les novices. L’association La voie bleue, qui souhaite faire de la spiruline un aliment pour tous et ainsi lutter contre la malnutrition, propose des recettes à base de spiruline (à télécharger).

La société Alg & You, basée à Toulouse, souhaite, elle aussi, mettre des micro-plantes dans nos assiettes. Pour relever ce challenge, elle a créé une phytotière (entre la yaourtière et le potager aquatique) pour produire de la spiruline fraiche et ainsi, proposer une solution pour palier à la malnutrition, la limitation des ressources et la raréfaction des terres cultivables. Alg & You est double lauréat du Concours Mondial de l’Innovation. Une entreprise à suivre si vous souhaitez étonner vos clients avec une cuisine saine, innovante et durable.

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Les insectes

On les considère parfois comme les protéines du futur mais il ne faut pas oublier que, comme les micro-algues, ils sont consommés depuis de très nombreuses années dans d’autres pays. En effet, environ 2 milliards de personnes serait actuellement entomophages, principalement en Afrique, en Asie et en Amérique du sud.

Il existe plus de 2000 insectes comestibles. Les insectes se reproduisent rapidement et leur transformation à des fins alimentaires a un faible impact sur l’environnement : ils nécessitent peu d’espace (1 hectare vs. 10 hectares pour le bœuf), peu d’eau (moins de 10L/Kg vs. 22000L/Kg de bœuf) et de peu de nourriture. Par ailleurs, ce sont d’excellente source de protéines (63g pour le grillon vs. 55g pour 100g de bœuf séché), de matière grasse et de minéraux (Source). C’est pourquoi la FAO s’est prononcée en faveur d’un élevage d’insectes comestibles à grande échelle.

En Europe, le manque de données scientifiques et l’absence de régulation claire ont considérablement freiné la commercialisation des insectes. En 2015, un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) mettait en garde contre la consommation d’insectes, notamment en raison de la présence de venins chez certaines catégories d’insectes, des conditions d’élevage peu encadrées et du risque allergique. Cependant, la consommation d’insectes bénéficie d’un engouement croissant. Quelques projets industriels sont en train de voir le jour. Jusqu’à présent la réglementation de ce secteur était floue et en pleine évolution mais la mise en application le 1er janvier 2018 d’une nouvelle régulation européenne, destinée à favoriser et à accélérer la mise sur le marché de nouveaux aliments (EU novel foods regulation (2015/2283)), devrait permettre de favoriser la commercialisation et la consommation de ce type de protéines.

Aujourd’hui seuls quelques restaurants proposent des insectes dans leur menu pour les clients curieux de vivre une expérience. Vous avez envie de goûter ou de faire découvrir les insectes à vos clients ? Ces jeunes entreprises vont vous intéresser !

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sources-proteines-demainIN : A l’origine de cette start-up française, Adrien Lamblin, un jeune lyonnais, qui a décidé, après une école de commerce et un an de voyage à travers le monde, de faire rentrer les « fruits de terre» (c’est le petit nom qu’il donne aux insectes) dans nos assiettes. L’objectif est de réduire l’impact environnemental de notre alimentation tout en préservant les mêmes qualités nutritives. Avec ce projet, il a remporté le prix de la première édition du Food-Tech Challenge, organisée par l’institut Paul Bocuse. Aujourd’hui, avec des chefs et l’institut Paul Bocuse, il a élaboré un steak à base de vers de farine… Pour l’instant, ces produits sont disponibles uniquement en vente directe, à Lyon. Mais avec l’arrivée de la nouvelle régulation en 2018, Adrien Lamblin espère pouvoir distribuer ses produits dans les magasins bio et auprès des restaurateurs. Les fruits de terre ont remporté le 29 juin, la 2ème place du concours Carrefour « Lance toi et créer ton truc» face à 10 autres entrepreneurs.

Jimini’s

Jimini’s : c’est l’entreprise de Bastien et Clément qui, un jour, ont eu envie de goûter des insectes et qui ont décidé de les faire rentrer progressivement dans notre alimentation quotidienne. Ils proposent : des boîtes apéro pour croquer un criquet au poivre et aux tomates séchées, un molitor au sésame et au cumin ou bien un grillon à la truffe noire ; des insectes à cuisiner ou des pâtes aux insectes ; des barres énergétiques chocolat noir et figue ou pomme et cannelle (entre autres).

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Si vous souhaitez goûter votre premier insecte, n’oubliez pas que celui-ci contient des allergènes. Si vous êtes allergiques aux crustacés ou aux acariens, mieux vaut s’abstenir.

La viande de demain

Produire de la viande qui soit meilleure pour la santé, qui ait un impact environnemental moindre, tout en restant abordable, c’est possible ? Les laboratoires qui créent de la viande artificielle semblent en tout cas le penser. En 2013, le premier steak in vitro était fabriqué à partir de cellules souches de l’épaule d’un bœuf par Mark Post, un scientifique néerlandais. Cependant, selon le laboratoire néerlandais, financé par Google, estime qu’il faudrait patienter environ 10 ans pour pouvoir goûter à ce steak artificiel car la production demande du temps et qu’au départ le prix est prohibitif. La start-up Memphis Meat, basée à San Francisco, a depuis créé de la viande de poulet et de canard en laboratoire. Une PME israélienne, Super Meat, est également sur le coup et espère commercialiser sa viande de poulet in vitro d’ici 2021. L’entreprise va même plus loin puisqu’elle souhaite proposer un procédé industriel permettant aux restaurateurs, aux supermarchés, et aux consommateurs de fabriquer leur viande.

Autre piste, la viande produite à base de végétaux par le scientifique Patrick Brown, fondateur de la start-up Impossible Foods. Une option qui devrait séduire les végétariens.

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